Début novembre 1922. L’écho de la Marche sur Rome de Benito Mussolini quelques jours plus tôt et de l’accession du leader fasciste au poste de président du Conseil italien retentit encore dans le monde entier. Dans le milieu plus confidentiel et feutré de l’égyptologie, on venait de fêter le centenaire du déchiffrement des hiéroglyphes par Jean-François Champollion, sans savoir qu’une découverte sur les bords du Nil allait étonner la planète entière. Inconnu des non-spécialistes, un pharaon du XIVe siècle av. J.-C. s’apprêtait à passer de l’obscurité totale à la lumière la plus éclatante, reflétée par les monceaux d’or de sa tombe, les objets sublimes qu’elle recelait et le masque à l’expression énigmatique le symbolisant aujourd’hui. . Son nom : Toutankhamon.
Remontant cent ans en arrière exactement jusqu’au matin du 4 novembre 1922, lorsque l’archéologue britannique Howard Carter arriva dans la Vallée des Rois, où il menait la sixième campagne de sa carrière. Elle risquait d’être la dernière, car son mécène, George Edward Stanhope Molyneux Herbert, cinquième comte de Carnarvon, avait décidé de ne plus financer de projets qui ne produisaient que de maigres résultats. Ce matin-là pourtant, sur le chantier qu’il avait commencé sous les tombes de Ramsès V et VI, les ouvriers ne travaillaient pas et l’attendaient. Dans son Toutankhamon monographie publiée en 2015, Marc Gabolde, professeur d’égyptologie à l’Université Paul-Valéry-Montpellier, écrit que M. Carter « a tout de suite compris qu’on avait découvert quelque chose d’inhabituel. Les ouvriers lui ont dit que, sous les remblais (.. .), ce qui ressemblait à une marche de pierre creusée dans la roche avait été dégagé. »
Il y avait quelque chose là-bas, probablement le début d’un hypogée, une construction souterraine qui impliquerait une sépulture royale, compte tenu de l’emplacement. Avait-il déjà été profané ? Les ouvriers déblayèrent jusqu’à ce qu’apparaissent un escalier complet, ainsi qu’une porte sur le plâtre de laquelle on apercevait encore l’empreinte des sceaux. En creusant un petit trou sous le linteau, l’archéologue a remarqué un couloir rempli de gravats, augmentant les chances de trouver une tombe intacte. M. Carter n’est pas allé plus loin. Il envoya un télégramme à Lord Carnarvon à qui l’honneur était dû : « J’ai enfin fait une merveilleuse découverte dans la vallée.
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Une tombe ouverte avec un pied de biche
Laissons un instant Lord Carnarvon et sa fille Evelyn Herbert faire le voyage à Louxor (nom moderne de l’antique cité pharaonique de Thèbes), de l’autre côté du Nil, pour nous demander comment Howard Carter en est venu à fouiller ce emplacement. Au printemps 1922, il travaillait sur un autre chantier. Une fois l’été terminé, il décide de retourner au pied du tombeau de Ramsès V et VI. « Dans son récit, il le fait sonner comme un éclair de génie », dit en souriant le jeune égyptologue Simon Thuault, postdoctorant à l’université de Pise. « Carter était un très bon conteur. Il avait parfois tendance à arranger un peu les choses dans ses papiers pour rendre le récit aussi efficace que possible. En réalité, il connaissait l’équipe avant d’arriver et soupçonnait qu’il y avait une tombe là-bas. » Il cherchait lui-même la dernière demeure de l’obscur Toutânkhamon, connu pour avoir été enterré à proximité pendant un certain temps.
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