Macron vise à sauver le système de santé mais la « solution miracle » manque

Emmanuel Macron l’a lui-même admis. Vendredi 6 janvier, alors qu’il promettait des changements significatifs dans l’organisation du système de santé, le président français s’est dit doté à la fois d’un « esprit de responsabilité » et d’un sens du « ridicule ».

Le mot ridicule est venu parce que les difficultés du système hospitalier étaient déjà bien établies, en 2018, un an après la première élection de M. Macron, lors de l’annonce du plan « Ma santé 2022 ».

L’esprit de responsabilité, a-t-il dit, s’applique toujours car il pense que les mêmes solutions peuvent être remises sur la table, mais avec une approche différente. « Nous avons commencé à changer les choses. Mais trop lentement », a déclaré le président au Centre hospitalier sud-francilien, un hôpital de Corbeil-Essonnes dans le sud de Paris, ajoutant que l’hôpital français traversait une « crise sans fin ». En conséquence, a-t-il dit, « il s’effondre ».

Deux ans après le début de la pandémie de Covid-19 et le lancement d’un plan baptisé « Ségur de la santé » qui visait à améliorer les conditions de travail au sein des hôpitaux, M. Macron a tenu à démontrer que l’enjeu, similaire à celui de l’éducation et l’environnement, faisaient partie des prérogatives présidentielles, évoquant un « triptyque de l’avenir de nos enfants et d’une nation forte ».

M. Macron a cherché à donner une direction pour aider les travailleurs de la santé à sentir qu’ils ont à nouveau un « but » en leur donnant « la liberté sur le terrain ».

« Nous avons conditionné collectivement tout le monde à demander la permission, c’était des conneries », a déclaré le président, dans un retour à sa tendance social-libérale. « Les gens doivent revenir à un état d’esprit d’entreprise », a-t-il déclaré.

Lire la suite Abonnés uniquement En France, on demande aux hôpitaux de réduire leur empreinte carbone

Mise en garde

Son discours fait écho à ses précédentes campagnes présidentielles. En 2017, il dénonçait une « perte de chance » pour les patients liée à une « perte d’utilité » pour les soignants. En 2022, M. Macron a plaidé pour « l’ouverture » des professions médicales.

Cette fois, le président s’est montré plus prudent. Face à la pénurie chronique de médecins, notamment en milieu rural, et à l’épuisement du personnel épuisé, il a admis qu’il n’avait pas de « solution miracle ».

La situation « ne va pas s’améliorer » rapidement, a-t-il concédé, avant de préciser que les médecins compensant le manque ne seraient pas formés et sur le terrain avant encore dix ans.

M. Macron a promis une importante réorganisation des hôpitaux avec la fin du système de rémunération à l’acte en 2024, des règles assouplies concernant les 35 heures, la nomination d’un « duo administratif et médical » pour diriger également les hôpitaux. comme un horaire s’adaptant mieux aux contraintes constatées sur le terrain.

Alors que le manque de ressources financières restait un problème, M. Macron a refusé de résumer les difficultés des hôpitaux aux seuls problèmes budgétaires. « L’une des sources de la déception réside dans l’organisation, qui a perdu ses capacités de prévisibilité et son humanité en raison de la priorité donnée à la rationalité », a-t-il déclaré.

Pour faire face à la pénurie de médecins, le président préconise de se décharger d’une partie de leur charge de travail. Le nombre d’assistants médicaux doit passer de 4 000 à 10 000 d’ici fin 2024.

« Les praticiens privés doivent pouvoir se concentrer sur la santé et rien que sur la santé », a déclaré M. Macron. Il a plaidé pour un « nouveau pacte » avec les pratiquants avec « des droits et des obligations ». « Nous devons les responsabiliser et les encourager à fournir des soins continus dans les villes. »

M. Macron s’est également engagé à « mieux rémunérer » les médecins qui prodiguent ces soins continus et ceux qui prennent en charge de nouveaux patients ou acceptent de former de jeunes professionnels.

Toutefois, les médecins de famille n’auront aucune obligation d’être de garde. « Les Français doivent pouvoir trouver facilement un médecin de garde », a-t-il toutefois déclaré en promettant aux 600.000 patients atteints d’une maladie chronique qu’un médecin de premier recours leur serait proposé avant la fin de l’année. M. Macron a également critiqué la « désinvolture » de certains patients qui ont accès aux soins et ne se présentent pas à leurs rendez-vous.

Lire la suite Retraites, inflation, climat : Macron se dirige vers une année 2023 pleine d’incertitudes

Effondrement des soins de santé

Dans un hôpital de Guyane française, le chef du parti de gauche La France Insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, s’est moqué de M. Macron en le qualifiant de « caricature libérale ». Il a parlé d’un dirigeant « perdu dans les détails » qui, lui-même, « organise l’effondrement de la santé ».

M. Mélenchon a désapprouvé que le président incrimine les 35 heures. « Aller vers un financement reposant sur une rémunération en fonction d’objectifs de santé publique… On va tout droit vers un hôpital à l’américaine ! » Aurélien Taché, député d’Europe Ecologie Les Verts (EELV, parti écologiste français).

Les responsables du parti d’extrême droite Rassemblement national se sont fait plus discrets. Ils avaient également proposé de libérer du « temps médical » en déléguant certaines tâches aux pharmaciens et infirmiers.

Ce plan suffira-t-il à sauver le système de santé français ? Une instance représentative des infirmières s’est dite satisfaite tandis que les syndicats de médecins généralistes ont exprimé leur forte déception.

Roselyne Bachelot, pharmacienne de profession et ancienne ministre de la santé, a déclaré à la télévision France 5 que « le problème n’est pas d’abord à l’hôpital, mais avec la médecine de premier recours ». « Nous sommes au bout du chemin des politiques incitatives, elles ont globalement échoué », a-t-elle déclaré.

Nous sommes intéressés par votre expérience d’utilisation du site.

M. Macron a renouvelé vendredi ce pari incitatif, en promettant de revenir pour continuer à regarder « ce qui marche et ce qui ne marche pas » et s’assurer « avant tout, qu’il soit mis en oeuvre ». Mais le président a concédé avec réalisme que « dans les années à venir (…) nous vivrons dans une situation qui se dégrade ».

Lire la suite Plan hospitalier français: une pilule, si elle ne guérit pas, fera l’affaire pour l’instant

Traduction d’un article original publié en français sur lemonde.fr ; l’éditeur ne peut être responsable que de la version française.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*