
Lors d’une visite à la base navale de Toulon mercredi 9 novembre, le président français Emmanuel Macron a prononcé un important discours sur la stratégie militaire huit mois après le début de la guerre en Ukraine. Ce discours a été programmé pour coïncider avec la publication de la « Revue stratégique nationale » 2022, un document partiellement public qui vise à définir les orientations de la défense nationale de la France jusqu’en 2030.
« Cette guerre a clarifié l’état du monde dans lequel nous nous trouvons […] Cette accélération tragique a rendu indispensable la révision […] notre réflexion », a déclaré M. Macron depuis le hangar du porte-hélicoptères amphibie Dixmude. Il a ensuite été transporté vers le tout nouveau sous-marin nucléaire d’attaque Suffren entré en service actif en juin et doté de capacités d’opérations spéciales à la pointe de la technologie. Là, le président a rencontré le commando Hubert.
Ce voyage était taillé sur mesure pour faire le point sur la politique française de dissuasion – le 9 novembre étant aussi l’anniversaire de la mort du général de Gaulle. Cela s’est également produit un mois après que l’actuel président eut fait des remarques ambiguës sur la chaîne de télévision nationale France 2 suggérant que l’utilisation d’une arme nucléaire en Ukraine ou dans une région voisine n’appellerait pas une réponse nucléaire de la France. M. Macron est revenu sur le sujet mercredi. « Faisons attention à ne pas dramatiser certains propos », a-t-il déclaré.

La dissuasion, a déclaré le président français, « nous protège de toute agression d’un État contre nos intérêts vitaux, d’où que vienne cette agression et quelle qu’en soit la forme », en référence au débat sur les armes nucléaires tactiques. « Aujourd’hui plus que jamais, les intérêts vitaux de la France ont une dimension européenne », a insisté le chef de l’Etat. C’est précisément cette dimension européenne qui semblait avoir été remise en cause sur France 2, semant la confusion chez de nombreux alliés, notamment en Europe de l’Est.
De nouvelles armées dans les décennies à venir
Fort de cette précision, le président a défini le cadre dans lequel se déroulent actuellement des discussions plus prosaïques sur les besoins des armées à l’horizon 2030. Face au déclenchement de la guerre en Ukraine, le gouvernement a décidé il y a plusieurs mois de voter une nouvelle programmation militaire. loi pour 2023. Si le discours de Toulon n’avait pas vocation à détailler les décisions d’attribution des financements, il a permis à M. Macron d’en tirer les grandes lignes.
L’armée de 2030 ne doit pas être « l’armée idéale qu’on aurait voulue en 2022 », a plaidé M. Macron, évoquant les débats sur certaines faiblesses du modèle français fortement mis en lumière par le conflit ukrainien. En 2030, la France aura besoin « des forces armées des décennies à venir et non de celles de la décennie précédente », a-t-il ajouté. Des exercices rigides et automatiques comme la revue stratégique nationale ou la loi de programmation conduisent parfois à des choix rapidement obsolètes. Nous sommes désormais dans un monde où, « contrairement à hier, où nous recherchions la paix par l’interdépendance, nous recherchons l’indépendance en prévision de la guerre », a-t-il ajouté.
Dans ce contexte, le président a donné la priorité à la cyberdéfense (« d’ici cinq ans, nous devons avoir une cyberdéfense de classe mondiale ») et à la consolidation d’une « capacité autonome » dans le domaine du renseignement. Il a également insisté sur les nouvelles menaces « hybrides » et la nécessité pour la France de développer son capacités « d’influence ». Ce domaine a été nommé symboliquement la sixième « fonction stratégique » dans la nouvelle revue stratégique nationale 2022, aux côtés des cinq traditionnelles de « connaissance », « anticipation », « prévention », « dissuasion » et « protection et intervention ».

Cette approche, si elle est confirmée, pourrait conduire à la frustration. Même si le budget global de la future loi de programmation militaire pourrait avoisiner les 400 milliards d’euros sur sept ans contre 300 milliards d’euros pour la période 2019-2025, rien ne dit que ces fonds supplémentaires permettront le grand pivot espéré par les armées. les forces. Selon nos sources, les discussions en cours ont surtout entériné une augmentation des stocks d’un certain nombre de munitions et des investissements dans les capacités d’artillerie – ce qui s’avère utile sur le théâtre ukrainien.
Dialogue avec Londres
« Ces capacités ouvrent à leur tour des débats sur les capacités de ciblage – notamment pour l’artillerie avec des drones devenus indispensables – ainsi que sur le respect de certaines lois notamment la convention d’Oslo sur les armes à sous-munitions signée par la France », a déclaré Elie Tenenbaum de l’Institut français des relations internationales. (IFRI). Les lance-roquettes multiples américains « HIMARS » envoyés en Ukraine sont très efficaces contre les attaques russes et peuvent tirer des armes à sous-munitions. Les États-Unis ne sont pas signataires de la Convention d’Oslo, a souligné le chercheur.
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A Toulon, M. Macron a insisté sur la nécessité pour la France – selon lui – de devenir une nation leader à la fois « innovante » et capable de structurer des « coalitions d’armées » que ce soit au sein de l’OTAN, en Afrique ou au Moyen-Orient. Deux ans après le Brexit, il espérait que le « partenariat » avec le Royaume-Uni serait « porté à un autre niveau ». Il a appelé à la reprise d’un dialogue qui inclurait les questions nucléaires. Il a également annoncé un sommet bilatéral sur la défense avec le Royaume-Uni qui aura lieu au premier trimestre 2023.
Le chef de l’Etat français a vivement critiqué le projet de défense antimissile annoncé par Berlin le 13 octobre, qui implique 14 autres alliés de l’Otan et prévoit l’acquisition de technologies américaines et israéliennes. « La défense aérienne de notre continent est un enjeu stratégique […] qui ne se réduit pas à la promotion d’une industrie nationale ou de celle d’un autre pays », a-t-il déclaré. Mais M. Macron a également annoncé que la France pourrait enfin contribuer à ce projet. « Nos armées sont conçues pour travailler ensemble », a-t-il ajouté. , se référant notamment au Future Combat Air System (FCAS) retardé.
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