Exclusif : Invoquant une menace d’attentat, la France interdit un rassemblement de l’opposition iranienne -document

  • Une lettre de la police place le rassemblement du 1er juillet dans le contexte d’un complot déjoué en 2018
  • Les alliés ont averti la police parisienne d’attaques potentielles
  • Trois attaques contre un bâtiment d’un groupe d’opposition depuis le 31 mai
  • L’interdiction intervient alors que l’Occident cherche à désamorcer les tensions avec l’Iran

PARIS, 19 juin (Reuters) – La France a interdit un prochain rassemblement de l’opposition iranienne en raison du risque d’attentat, selon une lettre envoyée aux organisateurs et consultée par Reuters, après la libération d’un diplomate iranien reconnu coupable d’avoir orchestré un complot à la bombe le groupe en 2018.

L’interdiction intervient alors que les puissances occidentales cherchent à désamorcer les tensions avec l’Iran et quelques semaines après que Téhéran a libéré plusieurs Européens de prison, dont deux ressortissants français. Le président français Emmanuel Macron a tenu un appel de 90 minutes avec le président iranien Ebrahim Raisi le 10 juin.

Le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), basé à Paris, branche politique de l’Organisation des moudjahidines du peuple d’Iran (OMPI), a organisé de fréquents rassemblements dans la capitale française au fil des ans, auxquels assistaient souvent d’anciens personnalités américaines, européennes et arabes. responsables critiques de la République islamique.

En février, le CNRI a attiré plusieurs milliers de personnes lors d’un événement dans le centre de Paris, et prévoit son rassemblement annuel le 1er juillet.

Cependant, compte tenu d’une récente vague de manifestations antigouvernementales de masse en Iran à propos de la mort d’une femme de 22 ans alors qu’elle était en garde à vue, un « contexte tendu » s’est développé, posant « des risques de sécurité très importants » pour les rassemblements du CNRI, a déclaré le document, une lettre du préfet de police de Paris Laurent Nunez.

Dès lors, « cette réunion, organisée chaque année depuis 2008, ne peut se tenir… », lit-on dans la lettre, adressée au comité d’organisation du rassemblement du CNRI.

En réponse à une enquête, la police parisienne a publié une déclaration à Reuters confirmant qu’elle avait informé le comité de la décision d’interdire le rassemblement car il pourrait « générer des troubles à l’ordre public en raison du contexte géopolitique ».

« De plus, étant donné que le risque terroriste ne peut être négligé, la tenue d’un tel événement rendrait sa sécurité mais aussi celle des invités sensibles extrêmement complexes », précise le communiqué.

Un haut responsable du CNRI a condamné la décision lorsqu’il a été interrogé à ce sujet par Reuters, avant la confirmation de la police.

« Si les autorités françaises adoptent une telle position, cela représentera un mépris effronté des principes démocratiques, cédant au chantage et à la prise d’otages de la tyrannie religieuse au pouvoir », a déclaré Shahin Gobadi, membre de la commission des affaires étrangères du CNRI.

SOUTIEN ÉTRANGER AUX TROUBLES EN IRAN

La mort de Mahsa Amini en détention a déclenché des mois de manifestations à l’échelle nationale, incitant Téhéran à accuser les États-Unis, ses alliés occidentaux et Israël d’exploiter les troubles pour tenter de déstabiliser la République islamique.

Des milliers de rassemblements de soutien ont eu lieu dans le monde depuis sa mort en septembre, bien que les troubles à l’échelle nationale se soient calmés après que la police de sécurité iranienne les ait réprimés.

Pour atténuer les tensions croissantes, les États-Unis ont eu des pourparlers avec l’Iran pour esquisser des mesures qui pourraient limiter le programme nucléaire iranien contesté, libérer certains citoyens américains détenus et dégeler certains avoirs iraniens à l’étranger, selon des responsables iraniens et occidentaux.

PARCELLE ABORTIVE

La lettre de Nunez place le rassemblement du CNRI du 1er juillet dans le contexte du complot avorté mené par le diplomate iranien basé à Vienne Assadolah Assadi en octobre 2018 et trois autres.

Assadi, qui, selon des responsables français, dirigeait un réseau de renseignement de l’État iranien et agissait sur ordre de Téhéran, a été condamné en Belgique à une peine de 20 ans de prison en 2021. Il a été échangé en mai contre quatre Européens détenus en Iran.

« Cette tentative d’attentat, qui souligne les capacités opérationnelles d’attaque de l’OMPI, s’inscrit dans une série d’opérations violentes et meurtrières en France et en Europe, sous la forme d’assassinats et d’enlèvements de personnalités de l’opposition iranienne », indique la lettre, sans donner de détails.

« Les pays partenaires ont à cet égard récemment mentionné de nombreuses attaques violentes planifiées, ciblant potentiellement des personnalités de l’opposition iranienne. »

Nunez a également déclaré dans sa lettre au CNRI qu’étant donné que le rassemblement du groupe attirerait plusieurs centaines de dignitaires étrangers importants et de membres de l’OMPI venant de l’étranger, « sécuriser l’événement serait particulièrement compliqué ».

Il y a eu trois attaques contre un immeuble du CNRI dans une banlieue parisienne depuis la fin mai, indique la lettre, et celles-ci font l’objet d’une enquête. Deux sources proches de l’enquête ont déclaré que des coups de feu, des bombes à essence et d’autres engins incendiaires avaient été utilisés pour viser le bâtiment. On ne savait pas qui était responsable.

La lettre indiquait qu’il y avait également un risque élevé de conflit entre le CNRI et les groupes d’opposition iraniens rivaux lors du rassemblement, bien qu’il n’y ait eu aucun incident lors des rassemblements précédents.

Téhéran appelle depuis longtemps à une répression des activités du CNRI à Paris, Washington et la capitale saoudienne Riyad. Le groupe, dont les sources de financement et de soutien ne sont pas claires, est régulièrement critiqué par les médias d’État iraniens.

Reportage de John Irish; édité par Mark Heinrich

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